INIS Italie Nord-Isère

1861-2011

Unité italienne d'hier

et

   unité européenne d'aujourd'hui 

 

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 Les Français ont souvent tendance à considérer l'Italie comme une petite soeur, moins évoluée puisqu'elle n'a jamais réalisé une  révolution analogue à la nôtre. Et pourtant, à y regarder de plus près, on peut se demander si, au contraire, l'Italie n'a pas  anticipé beaucoup de moments de notre histoire. On l'avait bien compris dans les années '70 et '80 en suivant l'histoire du parti  communiste italien qui a su, bien avant le nôtre, penser son évolution et par rapport à l'Italie et par rapport à ses relations avec  I'URSS (le texte de Togliatti sur le < polycentrisme > est de 1956 ...). Peut-être pourrait-on faire la même remarque en étudiant l'histoire de l'unité (récente) de la nation italienne. Antonio Gramsci en avait fait l'hypothèse en 1932, du fond de sa prison fasciste : < L'histoire contemporaine forme un modèIe pour comprendre le passé italien : il existe aujourd'hui une conscience culturelle européenne et il existe une série de manifestations d'intellectuels et d'ltommes politiques qui soutiennent la nécessité d'une union européenne ; on peut même dire que le processus historique tend à cette union et qu'il existe beaucoup de forces matérielles qui ne pourront se développer que dans cette union; si dans x années cette union sera réalisée, le mot < nationalisme , aura la même valeur archéologique que l'actuel " municipalisme" (pour l'Italie)>. (Antonio Gramsci, Il Risorgimento,Einaudi,I953,p.46; Quaderno 9 (XIV), 1932).

Mais bien avant lui, Guseppe Garibaldi le disait déjà :"Supposons que l'Europe pouruait former un seul Etat (...). Et l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Hongrie, la Belgique, la Suisse, la Grèce, la Roumanie viendront elles aussi, et pour ainsi dire instinctivement se regrouper autour d'elles (de la France et de l'Angleterre). En somme toutes les nafionalités divisées et opprimées ; les races slaves, celtiques, germaniques, scandinaves, la gigantesque Russie comprise, ne voudront pas rester hffi de cette régénération politique à laquelle appelle le génie du siècle >, et dont l'unification italienne étaitla première et principale confirmation (G. Garibaldi, Scritti e discorsi politici e militari I, 1868-1861, Bologna, 1934, pp. 338-342).

Le texte est d'octobre 1860 ! Et dès sa naissance en 1861, ce Royaume d'Italie offrit à l'Europe, longtemps avant la France, le modèle d'un État laique, libéré de l'emprise idéologique de l'Éghse catholique romaine, du moins dans sa classe dominante. Victor Hugo faisait le même rêve en 1849.Mais dès l'origine, l'Italie a connu une dialectique entre la forme "impériale" étendue à toute l'Europe et la forme "nationale" limitée à l'Italie. Le problème existe depuis Rome avec César, et se poursuit avec Charlemagne, Frédéric II, Charles-Quint; plus tard, Carlo Cattaneo aurait préféré une fédération sous un contrôle européen (autrichien) à une unité "nationale". Certes, l'évolution postérieure ne fut pas simple et uniforme, et l'Italie se retrouva pour un temps alliée au Reich allemand et à l'Empire  japonais, en même temps qu'elle signait avec l'Église un concordat réactionnaire (1929) encore inclus dans la constitution républicaine de 1948. Et il fallut attendre presque un siècle pour que l'idée européenne commence à se réaliser. Mais peut-être bien qu'une réflexion sur l'unité italienne a une grande utilité pour nous aider à comprendre notre époque, ses problèmes et ses évolutions.

Nous avons donc tenté d'en rappeler l'histoire, pas seulement celle des combats des années 1859-1860, des mouvements révolutionnaires, des conspirations, certes importants et qui ont coûté du sang, celle des réflexions intellectuelles sur le "cas" italien venues de tous les pays d'Europe, mais aussi celle d'un peuple divisé dès son origine et qui n'a été souvent qu'un spectateur lointain, et parfois hostile, de la formation d'un État qui réalisait l'unité politique, mais qui conservait la division "civile" entre la classe dirigeante, aristocratique ou bourgeoise, et la classe exploitée des paysans, restés sans telre, et des ouvriers, accablés par l'industrialisation et la modernisation du pays. Il reste maintenant à unir les Italiens après avoir unifié l'Italie. Mais récemment, un gouvernement français voulut faire (maladroitement et avec des intentions perverses) que les Français s'interrogent sur leur " identité"! Alors,dans nos crises et nos doutes d'aujourd'hui, peut-être que cette réflexion sur l'unité de la nation italienne pourra nous être de quelque utilité, en ce cent cinquantième anniversaire de sa réalisation, alors que l'union européenne vient seulement de fêter son soixante dixième. Les débats et conflits sur le contenu (les "libéraux" contre les "démocrates" et les "jacobins", importance des diverses traditions, de la culture gréco-romaine aux traditions religieuses ...), sur les rapports de classes, sur les frontières de l'Europe, sur ses langues, sur sa "mondialisation",etc. s'éclairent souvent du retour sur le passé, les choix entre l'empire (romain, carolingien, romain germanique ...), la "nation", l'autonomie communale, entre le latin, la langue "vulgaire" ou les dialectes....

 

Le 150e anniversaire de l'Unité italienne est à fêter le 17 mars. C'est en effet la bonne date, selon le calendrier ci-dessous que nous rappelons sur demande d'une lectrice :

* 27 janvier 1861 : premières élections politiques générales du Parlement, selon la loi piémontaise du 27 mars 1848 (système censitaire --> dans l'ensemble des États italiens, sont inscrites 418.696 personnes (1,9% de la population), dont 239.583 vont voter (57%) : les catholiques avaient lancé le mot d'ordre "Ni élus, ni électeurs". Les élections sont un succès pour Cavour qui obtient 350 élus sur les 443 membres du Parlement. Parmi les élus Il n'y a aucune femme : elles n'ont pas encore le droit de vote) : 85 princes, ducs ou marquis, 72 avocats, 52 médecins, ingénieurs et universitaires, 28 officiers de haut grade!

* 18 février 1861 : Le premier Parlement se réunit à Turin, avec à son ordre du jour la proclamation du Royaume d'Italie et le nouveau titre du roi Victor Emmanuel II, jusque là roi de Sardaigne.

* 26 février 1861 : le Sénat approuve par 129 voix contre 2 la motion qui donne à Victor Emmanuel II et à ses descendants le titre de roi d'italie. Un amendement proposait "par la Providence divine et par le vote de la Nation". Il est retiré.

* 14 mars 1861 : La loi est approuvée par acclamations et promulguée le 17 mars qui est donc la date officielle de proclamation du Royaume. Le 14 mars est aussi approuvé le drapeau tricolore vert-blanc-rouge déjà existant depuis 1794 

*23 mars 1861 : le premier gouvernement italien est constitué, avec Camillo Cavour comme premier ministre, Marco Minghetti comme ministre des Affaires Étrangères, le napolitain Francesco De Sanctis comme ministre de l'Instruction. Le 25 mars, Cavour définit la position sur Rome : seule Rome peut être capitale du nouvel État et sa libération est nécessaire à l'unité nationale ; cela ne doit advenir qu'avec l'accord de la France et sans attaquer l'indépendance et la liberté spirituelles du pape dont la nouvelle Italie doit être le garant devant l'Europe

* 6 juin 1861 : mort improvisée de Cavour. Bettino Ricasoli forme le nouveau gouvernement.

L'Unité ne sera complétée qu'en 1866 pour la Vénétie, le 20 septembre 1870 pour Rome et 1919 pour le Trentin Haut Adige.

Posez-nous d'autres questions si vous en avez besoin, mais la discussion est vive actuellement en Italie pour raisons politiques et non historiques ; la Ligue du Nord ne veut pas célébrer l'Unité avant le vote du Parlement sur le fédéralisme. Le président de la République est le premier à défendre la nécessité de célébrer le 150e anniversaire de l'Unité, contre Bossi et les Léghistes, fédéralistes et hostiles au sud et au centre de l'Italie ; pour eux n'importe que la "Padania". Ils sont des ignorants de l'histoire de l'Italie et de la place qu'occupent le centre et le sud dans la réalisation de l'unité ; ils pensent comme Victor-Emmanuel II en 1861 que la Lombardie et la Vénétie auraient bien suffi à agrandir valablement le Piémont-Sardaigne, le reste des États italiens n'étaient que "artichaut à effeuiller"!

 

Jean Guichard introduction à  "Histoire de l'Unité Italienne (à l'occasion du 150° anniversaire)" Editions de l'INIS

Quelques liens :